Publié début 2025, le livre « Devenir Brigitte » signé par Xavier Poussard, se présentant comme journaliste d’investigation, a rapidement suscité une vive controverse en France et à l’international. Loin d’être une biographie classique ou une enquête journalistique conventionnelle, l’ouvrage s’inscrit directement dans la lignée d’une théorie complotiste ciblant la Première dame française, Brigitte Macron. Présenté par certains comme une « enquête », le livre a été largement décrié par de nombreux médias et observateurs comme un vecteur de désinformation, reposant sur des allégations infondées et participant à une entreprise de déstabilisation.
Le cœur de la thèse développée dans « Devenir Brigitte » tourne autour de la fausse information, apparue initialement dans des cercles conspirationnistes français en 2021, selon laquelle Brigitte Macron serait une femme transgenre, née sous une autre identité. Cette allégation, déjà jugée diffamatoire par la justice française qui a condamné deux femmes pour sa propagation en septembre 2024, constitue l’unique axe du livre de Xavier Poussard. L’ouvrage tente de « prouver » cette théorie en s’appuyant sur des méthodes jugées peu rigoureuses par les analystes, telles que des comparaisons photographiques approximatives et l’utilisation de citations tronquées ou sorties de leur contexte.
Contexte de Publication et Promotion Internationale
La publication de « Devenir Brigitte » ne s’est pas limitée au marché français. Une version américaine a également vu le jour, propulsée sur le devant de la scène par Candace Owens, une influenceuse et podcasteuse américaine d’extrême droite, connue pour ses positions complotistes et sa proximité avec les réseaux trumpistes. Owens a consacré un podcast entier à cette théorie en janvier 2025, générant une visibilité considérable pour la fake news et, par ricochet, pour le livre. Cette promotion active par une figure médiatique américaine a donné une nouvelle dimension à une rumeur qui, bien que persistante dans certains milieux en France, peinait à gagner en crédibilité au-delà.
La stratégie marketing agressive, notamment via des extraits viraux diffusés sur les réseaux sociaux, a contribué au succès commercial relatif du livre, notamment sur des plateformes comme Amazon. Malgré les critiques et le caractère manifestement faux des informations contenues, Amazon a maintenu le livre à la vente pendant un certain temps, invoquant la nécessité d’offrir une diversité de points de vue, avant de finalement le retirer suite à la polémique. Cette affaire a relancé le débat sur la responsabilité des plateformes de vente en ligne dans la diffusion de contenus haineux ou complotistes.
Un Contenu Basé sur des Infox Répétées
Selon les analyses de journalistes spécialisés dans la vérification des faits, comme Thomas Huchon cité par Radio France, « Devenir Brigitte » n’apporte aucun élément nouveau par rapport aux allégations déjà diffusées depuis 2021. Le livre compilerait des infox et des insinuations déjà présentes dans la sphère conspirationniste, y ajoutant des allégations infondées de nature encore plus grave à l’encontre du couple présidentiel. La crédibilité apparente accordée par l’intervention de Candace Owens semble avoir joué un rôle majeur dans la résurgence et l’amplification de cette théorie.
L’analyse de la propagation de cette affaire sur les réseaux sociaux révèle également des schémas suspects. Des centaines de milliers de messages, souvent issus de faux comptes créés spécifiquement pour l’occasion et présentant une activité de publication anormalement élevée, ont été identifiés. Ces éléments suggèrent, selon certains experts, une opération coordonnée de désinformation visant à déstabiliser l’opinion publique et potentiellement les institutions démocratiques, une tactique observée dans d’autres contextes politiques internationaux.
Conclusion : Un Cas d’École de la Désinformation
En définitive, « Devenir Brigitte » apparaît moins comme une enquête journalistique que comme un exemple frappant de la manière dont les théories complotistes peuvent être packagées sous une forme livresque et propulsées par des campagnes médiatiques orchestrées. L’ouvrage cristallise une fake news spécifique et s’inscrit dans un contexte plus large de diffusion de désinformation à des fins potentiellement politiques. Son analyse met en lumière les mécanismes de propagation des rumeurs à l’ère numérique, l’influence de certaines figures médiatiques internationales et la responsabilité des plateformes dans la modération des contenus qu’elles hébergent ou vendent. Loin d’apporter des révélations factuelles, le livre sert principalement d’étude de cas sur les dynamiques contemporaines de la désinformation et de la guerre informationnelle.